Ihriae-Au fil de l'eau...

Ihriae-Au fil de l'eau...

PART. I - Chapitre 05

- Chapitre 05 - 

 

Au départ, le chargé de recrutement lui avait simplement expliqué que l’Agence Mondiale de Surveillance des Environnements et de la Vie Extraterrestres était quelque chose d’abstrait, un grand nom pour un laboratoire d’étude dont la mission consistait à scruter le ciel, à ramasser et à étudier tout ce qui tombait sur la Terre.
Son travail à elle consistait à traduire ces études pour que les chercheurs originaires d'autres pays puissent y avoir accès.
Alors pourquoi n’avait-elle toujours eu que de courts passages à transposer ? Comme tous les autres traducteurs, ce qu’on lui donnait n’avait que peu de rapport avec ce qu’elle venait d’apprendre. Tout était très « terre à terre ».
Dès le premier jour, elle s’était retrouvée parmi une vingtaine d’autres traducteurs de nationalités différentes, dans une pièce immense, comportant autant de boxes individuels que d’employés.
La pièce n’avait aucune fenêtre, mais les plantes vertes ne manquaient pas, et les employés avaient le droit de personnaliser leur carré de travail comme ils le souhaitaient et avec l’aval de la sécurité qui vérifiait scrupuleusement chacun des objets qui entraient dans les lieux. Personne ne s’offusquait de ne pas voir le ciel sombre, les immeubles crasseux voisins, et encore moins d’avoir à regarder les pluies noires dégouliner sur les carreaux.
Les murs blancs de la pièce, agrémentés d’écran où défilaient des paysages idylliques datant d’une autre époque les remplaçaient avantageusement.
Elle s’était installée dans l’un des boxes, non loin du bureau de sa supérieure hiérarchique, Jenna Benedict. Elle pouvait ainsi la surveiller.
Sur son minuscule bureau, elle avait trouvé une vingtaine de pages à traduire, et à peine plus de feuilles pour retranscrire les traductions, et des crayons mais, pas le moindre ordinateur ou appareil électronique, sans doute à cause des risques de piratage. D’ailleurs, elle avait dû laisser son agendphone dans l’un des casiers situés quinze étages plus bas, dans le hall, et elle avait été entièrement scannée depuis son entrée dans l’ascenseur jusqu’à son box.
Devant elle, une affiche indiquait clairement qu’il était interdit de sortir le moindre document de la pièce.
Une autre porte, jouxtant celle où elle se trouvait, ouvrait sur une bibliothèque de dictionnaires sur tous les sujets et de toutes langues connues sur la planète.
La cheffe du service de traduction, une grande brune aux yeux gris foncé, Jenna Benedict, gardait un œil sur chaque document qu’elle distribuait aux traducteurs. Il y avait aussi des agents de surveillance dans les couloirs, les ascenseurs et dans le hall de l’immeuble.
Les traducteurs parlaient peu entre eux. Peut-être était-ce l’un des critères de recrutement. Elle se souvenait que lorsqu’elle avait été convoquée pour cet emploi, deux femmes avaient tenté de lui parler, elle ne leur avait pas répondu et s’était éloignée d’elles sans leur répondre. Elles ne l’avaient pas très bien pris évidemment. Esmelia n’en avait rien eu à faire. Elle était en mission, pas en stage de copinage.
Rori Davanti était son voisin de travail.
Dès le début, elle avait remarqué qu’il était une vraie tête en l’air qui laissait toujours ses documents en vrac sur son bureau. Après trois jours de travail insatisfaisant, Esmelia n’avait eu aucun mal à lui piquer une de ses traductions et à la glisser dans la poche intérieure de la veste de Rori.
Évidemment, en le fouillant, l’un des agents de sécurité avait découvert le document. Il avait aussitôt signalé l’incident à Benedict qui avait quitté son bureau toutes affaires cessantes. Elle était descendue dans le hall.
Sachant qu’elle en aurait au moins pour une dizaine de minutes au minimum, Esmelia s’était glissée dans son bureau sans que les derniers traducteurs encore présents la remarquent. Ils étaient trop occupés à vérifier qu’ils n’avaient rien pris par inadvertance dans leurs affaires tout en étant pressés de quitter les lieux.
Elle avait rapidement fouillé les lieux, sans rien trouver. Normal, ce n’était pas un lieu de vie. Et si Jenna Benedict convoquait un employé dans son bureau, mieux valait qu’il ne pose pas son regard sur quelque chose qui l’informerait sur les objectifs réels de ses travaux.
Jenna Benedict était tellement certaine de la sécurité des locaux qu’elle n’avait pas songé à emporter son sac à mains ou à le ranger sous clé avant de répondre à l’appel des agents. Un bref instant, Esmelia avait pensé qu'il y avait peut-être une caméra de surveillance mais les petites amies de Kolya, de microscopiques puces artificielles, n'avaient rien repéré deux jours plus tôt.
Esmelia ne s’était donc pas gênée pour mettre la main à l’intérieur du sac.
Après examen rapide, elle avait fini par découvrir deux photos de Jenna.
Sur l’une, elle portait tenue militaire et posait à côté d’un Général. À la manière dont ils se tenaient, si proches l’un de l’autre, elle n'aurait pas été étonnée qu'ils fussent plus qu’amis.
Jenna Benedict était donc un lieutenant-colonel des casques bleus à la retraite. L’homme, lui, appartenait à l’armée de l’air américaine, apparemment.
Esmelia avait enregistré ses traits en songeant qu’elle essaierait d’obtenir plus des renseignements à son sujet, plus tard.
La seconde photo était plus intrigante et plus riche en informations.
Elle montrait Jenna Benedict, avec une bonne quinzaine d’années de moins, les cheveux rasés, en compagnie de trois autres personnes.
Deux hommes assez jeunes : l’un était d’origine indienne comme l’attestait sa peau, et ses cheveux noirs et bouclés. L’autre avait un physique de militaire américain : mâchoire carrée, grand et large d’épaules. Il souriait de toutes ses dents. À cause de cela, elle lui avait trouvé un air un peu stupide. Le drapeau sur le haut de la manche de son uniforme indiquait qu'il était australien.
La femme quant à elle, était… inhumaine.
Elle avait un physique approchant celui de l’Être humain : une allure athlétique, une poitrine plantureuse, un cou gracile, une bouche pulpeuse, des pommettes saillantes et un nez court et fin, deux bras, deux jambes. La comparaison s’arrêtait là.
Sa peau avait des nuances de bronze et de vert de gris, ses yeux étaient d’un bleu lapis, sans pupille, sans iris, sans fond. Son front fortement bombé surmontait des sourcils anormalement droits. Deux cornes de bélier prenaient naissance à chacune de ses temps et se prolongeaient vers l’arrière. Elle s’en servait visiblement pour y enrouler ses cheveux d’un bleu électrique. Que dire du paysage derrière eux, et de la lumière ?
Un pays de conte de fée avec des couleurs si vives qu’elle en faisait presque mal aux yeux, et une végétation qui paraissait très dense. Le ciel était d’un bleu intense sans le moindre nuage.
Pourquoi en avoir effectué un tirage papier ? En général, les gens gardaient leurs souvenirs dans les mémoires virtuelles du S.Cloud. En observant la photo avec plus d’attention, elle se rendit compte qu’il avait été pris avec un appareil sans doute ultra perfectionné, mais pas le dernier modèle, sans quoi elle serait en 3D. Ce n’était pas non plus une prise de vue interne, une caméra embarquée greffée à l’intérieur de l’œil.
Le genre de chose qu’elle n’avait jamais voulu se faire implanter. Elle avait d’ailleurs toujours refusé la moindre manipulation génétique ou chirurgie physique, malgré les conseils de Kolya. Ce qui laissait supposer que lui en avait subies si discrètes fussent-elles.
Elle retourna la photo et y lut les noms des trois compagnons qui entouraient Jenna Benedict : Jaimini Latchoumaya, Matthew Cutter et Jor POnyl.
Le cliché avait été pris le 1er janvier de l’année 2081. Tout un symbole.
Pour autant qu’elle le sache le lieu indiqué, Olympia AJ25, n’était pas sur la Terre.
Il y avait une estampille en bas, à droite du cliché.
Elle y lut tant bien que mal Admunsen-Scott South Pôle Station.
Elle remit les photos en place. Il était temps de quitter les lieux. Elle n’y trouverait rien de plus.
Un peu plus tard, en quittant l’immeuble, dans le taxomatique qui la reconduisit à l’appartement qu’elle avait loué le temps de sa mission, elle songea qu’il était assez curieux que Benedict ait ces photos dans son sac à main. Elle le croyait en sécurité dans ses propres locaux, alors qu’il ne l’était pas. Elle pouvait se le faire voler à n’importe quel moment, ici, ou dans les rues sombres et grouillantes de monde dans lesquelles elle appréciait de musarder après des heures d'enfermement.
Les clichés étaient-ils truqués ? Destiné à piéger ceux qui étaient trop curieux ?
Benedict pouvait le prétendre si quelqu’un publiait ces photos sur les réseaux. Surtout si ce quelqu’un était un journaliste… ou bien une espionne. Mais Esmelia savait qu’il n’en était rien. Ce n’était pas des faux.
Esmelia avait quitté le service de traduction quelques semaines plus tard.
De son côté, Kolya avait des recherches sur la base d’Admunsen-Scott et sur l’Antarctique. Il avait découvert que deux fois par an, il y avait un contingent d’une vingtaine de militaires de l’ONU pour le Pôle Sud, et un autre avec à peu près autant d’hommes et de femmes en revenaient.
En contactant divers scientifiques sur les centres de recherche du continent, il avait découvert que ces derniers n’avaient pas vu de militaires de l’ONU débarquer depuis au moins une dizaine d’années. Il en avait déduit que si base il y avait en Antarctique, le personnel des autres bases n’en avait pas connaissance.
Il y avait longtemps que la population et les conditions de séjours n’étaient plus réglementées en Antarctique. Depuis que les premières terres s’étaient découvertes de leur glace… Alors, rien d’étonnant à ce qu'une base secrète y ait été construite sans que personne ne le remarque.
La suite avait été un jeu d’enfant : observation de l’environnement, du personnel… et manipulation d’identité.
Esmelia était parvenue à prendre place au sein du contingent militaire en partance pour l’Antarctique.
Elle eut rapidement la confirmation que les militaires n’étaient pas en poste sur Admunsen-Scott, comme indiqué mais dans une station qui n’apparaissait sur aucune carte.
Elle n’eut aucun mal à donner l’illusion qu’elle était bien celle qu’elle prétendait être. Les membres du contingent venaient d’un peu partout dans le monde. Elle devait avoir entendu parler au moins six langues. Les deux tiers des soldats avaient déjà été affectés sur la base de l’AMSEVE. Ceux du dernier tiers effectuaient leur première mission en Antarctique et ne connaissaient pas leurs équipiers.
La sécurité au sein de la base de l'AMSEVE était d'un niveau élevé. À tout moment, elle avait craint que quelqu’un découvre que sa présence était une anomalie. Mais Kolya connaissait son travail, et elle son rôle.
Elle avait intégré l’équipe d’exploration en qualité d’interprète. Personne ne lui avait posé de questions sur son travail ou sur les missions qu'elle avait déjà effectuée. Elle était entrée dans le C.E.T. deux jours après son arrivée. Deux jours à être briefée sur ce qui l'attendait avant, pendant et après son passage dans le C.E.T. et sur les consignes à respecter.
Le voyage devait la conduire sur Feloniacoupia, une planète située dans un système de l’Ecu-Croix, l’un des bras de la Voie Lactée. D’après le peu qu’elle avait appris, la population qui vivait sur la planète s’était développée sur le seul et unique continent. Et il semblait qu’elle ait beaucoup de points communs avec les Vikings. À ceci prêt, que les individus de cette peuplade n’étaient pas tous humanoïdes. L’être humain n’était pas la norme dans cette partie de la galaxie.
L’équipe dont elle faisait partie avait été réduite à quinze personnes, et uniquement des soldats de métier. Elle était la seule venue du civil. Habituellement, l’effectif était le double, constitué pour moitié de soldats professionnels, et pour autre moitié de spécialistes de diverses disciplines : exobiologistes, exoarchéologues, et autres exos.
Au cours de cette mission, qualifiée d’exceptionnelle du fait qu’elle n’entrait pas dans le calendrier initial, ou dans programme, ils devaient récupérer un scientifique terrien qui avait pris la tangente sur la planète lors de leur précédente mission.
Elle s’était dit que ce type avait été suffisamment malin pour avoir trouvé le moyen de déserter sans encourir de sanctions de ses supérieurs hiérarchiques. Du moins si ses collègues de l'AMSEVE ne lui remettait pas la main dessus. Elle allait devoir trouver la bonne occasion pour en faire de même, une fois là-bas. En espérant que le hasard la servirait en la conduisant sur la piste de celui qu’elle recherchait.
Elle n’avait aucune idée de ce qu’elle trouverait sur Feloniacoupia, mais elle sentait qu’elle était sur la bonne voie. C’était comme si, enfin, l’aboutissement d’une longue recherche était proche.
 
Esmelia reporta son attention sur le bâtiment tout en replaçant une mèche de cheveux, blond roux, échappée de son bonnet. Celui-ci ne laissait voir que son visage un peu trop pâle et aux taches de rousseur prononcées. Ses yeux étaient d’un vert si sombre qu’ils paraissaient ne pas avoir d’iris.
Elle ne craignait plus qu’on la reconnaisse. Elle s’en fichait même. Elle arrivait au bout de sa mission. Surtout, si elle était arrêtée, elle trouverait le moyen de s’échapper, grâce à ses "pouvoirs".
Aucune prison ne pouvait plus la retenir désormais.
Elle avait d’abord supposé que ses facultés exceptionnelles étaient une des conséquences de son voyage vers Feloniacoupia, via le C.E.T. Will l’appelait le Contracteur Espace-Temps.
Lorsqu’elle s’était retrouvée à la base en Antarctique, elle avait entendu des scientifiques et des militaires le nommer "Concentrateur", ou encore "Contortionneur d’Espace-Temps.
Peu importait l’appellation, l’objet restait le même, et son abréviation aussi : C.E.T. ou CET.
Le CET… ou les Bouches qu’elle avait pu franchir depuis. Les Bouches, les portes, les tunnels… Autant de noms que l’on pouvait leur donner, ne serait-ce que sur la Terre.
Ces passages espace-temps avaient donc modifié quelque chose dans sa physiologie… ou fait ressortir quelque chose qui s’y trouvait déjà à l’état latent, ou peut-être même les deux. Elle penchait pour cette hypothèse, car Will avait effectué cinq allers et quatre retours avec le CET, et plus encore de traversées avec les Portes utilisées par les Drægans, sans subir la moindre altération physique. Il y avait une raison à cela : le sérum que lui avait injecté Baal avant leur première traversée.
Elle avait reçu le même, mais contrairement à Will, elle n'avait pas été malade. Elle ne s'était même pas sentie mal. Cela avait-il un rapport avec ce qu'il lui avait expliqué ?
L’AMSEVE avait limité à cinq les voyages pour chaque membre d’expédition à cause des conséquences physiologiques.
Elle avait été informée sur le sujet lorsqu’elle avait intégré l’AMSEVE.
Les premiers Humains à avoir participé au programme, malgré les précautions sanitaires prises, avaient presque tous succombé à des infections diverses et variées, et à des cancers.
Ceux qui avaient survécu, peu nombreux, avaient fini par sombrer dans une névrose qui les avait conduits au suicide ou à l’asile…
Le général Doherty était le seul à s’en être bien sorti, mais une rumeur à la base courait sur son état de santé. Elle prétendait qu’il serait atteint d’un cancer.
Will savait qu’il n’aurait plus l’occasion de voyager dans l’espace et de visiter des planètes inconnues, d’aller aussi loin qu’il l’avait été dans l’univers. Il avait senti que cela lui manquerait au point de lui rendre son existence impossible. Il ne se voyait pas rester sur la Terre alors qu’il y avait tellement de choses à découvrir au-dessus de sa tête. Il ne se voyait pas non plus enterrer ses amis et ses collègues.
Il avait donc choisi de fuir lors de son cinquième voyage.
C’était lui qu’elle aurait pourchassé si elle ne s’était pas enfuie, elle aussi.
De toutes les façons, quelles autres alternatives s’offraient à lui ?
Ayant été un membre actif de l’AMSEVE, il aurait été maintenu au secret durant le restant de sa vie, C’est-à-dire au moins quarante bonnes années. Il aurait sûrement travaillé dans un laboratoire secret et étudié des artefacts rapportés par d’autres scientifiques partis en mission à sa place, ou envoyé sur Mars ou une lune dès l’ouverture d’une fenêtre de vol, sans espoir de revenir sur la Terre et de revoir les siens.
À moins que le programme devienne public, ce qui n’était pas près d’arriver.
Le choix pour lui n’avait donc pas été très compliqué. Il ne s’attendait pas, cependant, à ce que l’AMSEVE envoie un contingent à sa poursuite.
Pour Esmelia, compte tenu de l’état d’esprit des dirigeants de l’Organisation Internationale, cela semblait être une évidence.
Avec "l’accrochage américain", ils étaient sur des charbons ardents. La tension était ressentie jusqu’en Antarctique.
En tous les cas, c’était une raison supplémentaire pour éviter de se faire capturer.
Cela valait pour Will comme pour elle, car entre leur départ et leur retour, les antagonismes politiques et économiques n’avaient quasiment pas changé. Seul l'état naturel du monde autour d’eux avait évolué différemment, mais pas complètement. Certains éléments étaient restés gravés dans le marbre temporel.
Même s’il savait ce qu’il pouvait lui en coûter, elle n’avait pas eu à forcer Will à revenir sur la Terre. Ne serait-ce que pour revoir sa famille une dernière fois, lui dire qu’il était vivant…
Ce n’était pas une bonne idée, mais elle n’avait pas l’intention de l’en empêcher. Il était conscient que ce serait très différent de ce qu’il avait imaginé avant son retour. Elle l’accompagnerait sans doute après cette mission. Il aurait besoin d’elle, pas seulement pour échapper à ses poursuivants…
Will connaissait les grandes lignes de sa mission, et souhaitait autant qu’elle que leur cible s’en sorte indemne. Il n’aurait pas été dans les mêmes dispositions au moment de leur rencontre quelques mois plus tôt.
Il voulait aussi veiller sur elle.
Elle trouvait cela louable de sa part, et elle n’avait pas jugé utile de l’en dissuader. Au moins, elle l’avait pratiquement en permanence, sous les yeux. De fait, elle se sentait encore, en partie, responsable de la sécurité de Will.
Depuis leur retour à Ketchikan, il avait bien senti qu’elle avait pris ses distances avec lui.
Elle lui avait expliqué pourquoi dans les grandes lignes et il l’avait accepté. Mais elle sentait qu’il en souffrait profondément.
Entre ce monde qu’il ne reconnaissait pas, sa famille qui n’était plus vraiment la sienne, et elle qui n’était plus totalement la femme dont il était tombé amoureux. Plus qu’amoureux. Il avait ressenti un véritable coup de foudre pour elle, lui avait-il dit.
Elle se demandait s’il n’allait pas craquer.
Cela ne m’empêchait pas de s’inquiéter pour elle. Il craignait, notamment, qu’elle prenne trop de risques en abusant de ses pouvoirs.
Elle-même se demandait s’ils seraient permanents ou non, ou bien limités par des éléments extérieurs comme la composition de l’air ou la pesanteur, par exemple. Ou simplement par elle, inconsciemment.
L’un de ses "pouvoirs" était l’empathie.
Il avait évolué au cours de ces deux dernières semaines. Elle savait qu’elle n’en était plus à sa capacité maximum. Elle pouvait parfois capter de véritables pensées, mais il lui fallait se concentrer très fortement pour percevoir autre chose que des sensations.
Il y avait toujours cette autre part de sa conscience qui savait qu’elle pouvait faire beaucoup mieux, comme avant.
Ce pouvoir avait toujours fait partie d’elle sans qu’elle ait pu le définir ou mettre un nom dessus.
Enfant, elle avait apprécié cette hypersensibilité qui lui faisait lire dans le cœur et l’âme de ses amis comme dans un livre ouvert, et parfois dans ceux de personnes qui lui étaient totalement étrangères.
Ces mêmes personnes n’avaient jamais trouvé cela agréable. Certaines l’avaient même traitée de sorcière, d’autres avaient essayé d'exploiter son don.
Bien qu’à son jeune âge, cela soit resté sans conséquence, Brent lui avait fait comprendre qu’elle devait rester discrète et éviter d'en abuser, voire d'en user. Elle y avait donc mis fin à ses petits tours de voyance en feignant de se tromper au moins deux fois sur trois.
Il n’en restait pas moins qu’elle était capable de ressentir les émotions sans fournir le moindre effort. Elle pouvait ainsi ressentir la bonté d’une personne ou la méchanceté d’une autre, la colère, la joie, le mensonge… Elle pouvait tout percevoir. Elle, qui ne ressentait aucune émotion profonde, elle éprouvait celle des autres.
 

 

 



10/07/2020
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