Ihriae-Au fil de l'eau...

Ihriae-Au fil de l'eau...

PART. I - Chapitre 08

- Chapitre 08 - 

 

 

 

L’esclave suivant était de type humanoïde en dehors du fait qu'il ait une queue de lézard dans le bas du dos, une peau jaune orangé et squameuse. Il semblait avoir été un peu trop porté sur le lancer de troncs d’arbres durant ces derniers mois. Ses jambes étaient courtes, et ses mollets aussi robustes que ses cuisses. Les muscles hypertrophiés de son buste, son cou massif et ses larges épaules faisaient paraître sa tête aux yeux de serpent minuscule. Son buste était tatoué d’étranges signes qui devaient résulter d'une forme d’art ou d’écriture issue de son monde natal. Plein d’énergie, il avait du mal à la canaliser. Il n’arrêtait pas de sauter sur place en se tapant les mains, les cuisses ou les pectoraux. De temps à autres, il semblait pris de tremblements irrépressibles et s'ébrouait comme un animal désirant se débarrasser de l'eau dans ses poils. Il avait des difficultés évidentes à se prêter au jeu de la présentation.
La créature humanoïde, elle aussi, qui l’acquit devait être une femelle. Sa peau sombre avait des reflets roses, pourpres et dorés. Elle avait une allure de danseur massaï avec son long cou de femme girafe paré de colliers colorés et ses longs membres déliés qui donnaient l'impression d'avoir plus d'articulations qu'on l'imaginait. Son visage évoquait celui du buste de Nefertiti. Elle avait des yeux entièrement dorés et tout le haut de son visage était tatoué de motifs floraux et végétaux. Son crâne très prolongé vers l’arrière était rasé de frais à l’exception de son sommet. Ses cheveux d’un bleu électrique étaient tirés vers l’arrière, en crête courte, par l’un des de colliers qui retenaient son cou gracile et fragile. Elle prenait visiblement grand soin de son physique.
Durant une dizaine de minutes, Esmelia ne prêta plus attention aux candidats suivants, ni à ceux qui les avaient achetés.
Elle avait reporté son intérêt sur la foule d’acheteurs potentiels, et en particulier sur les hommes qui la composait.
La nature humaine était ainsi faite que les femmes s’intéressaient davantage à la testostérone sur pattes, tandis que les hommes avaient une nette attirance pour les paires de seins pigeonnants.
Apparemment, ce trait naturel était partagé par de nombreuses espèces de l’univers. Si ce n’était pas le cas, cela y ressemblait furieusement.
Esmelia frémit intérieurement comme alertée par un danger potentiel. Elle reporta son attention sur l'estrade.
Une femme à la chevelure aussi orange que sa peau pouvait être jaune citron monta à son tour sur l’estrade. Elle était légèrement vêtue. Son épiderme fait d’écailles luisait à la lumière du soleil. Ses yeux d’un bleu azur presque transparents ressortaient de façon extraordinaire et illuminait sa figure. Ses oreilles ressemblaient à des coquillages exotiques. Enfin, son visage, ses épaules, ses avant-bras et ses mollets, tout en grâce et en finesse, étaient parcourus d’excroissances régulières de couleur gris perle.
Esmelia devina qu’il s’agissait de nageoires, si petites soient-elles.
Sans savoir d’où lui venait cette idée, elle songea que quel que soit le monde dans lequel on les trouvait les Sirènes avaient toujours du succès. Ces garces savaient toujours se faire désirer par les représentants mâles ou femelles de toutes les espèces. Elles n’avaient généralement que deux objectifs : le premier était de se reproduire, le second était de faire acquérir à leur propriétaire tout ce qui brillait, surtout si cela avait de la valeur. Lorsque celui-ci, ou celle-ci, se trouvait finalement à court d’argent, la Sirène organisait un banquet où elle invitait ses copines. Curieusement, il y avait toujours trois ou quatre autres Sirènes dans le voisinage du couple. Elles se partageaient les biens acquis par leur hôtesse avant de bouffer son maître ou sa maîtresse, sans cuisson, et littéralement vif, car elles pouvaient être beaucoup de choses, sauf des charognardes.
Malgré cette réputation, la sirène trouva rapidement un acquéreur, et rapporta un bon prix à la grenouille qui souriait d’un air très satisfait. Cela dit, les batraciens donnaient toujours l’impression de sourire.
Esmelia respira un bon coup.
Elle ressentit une forte douleur aux poumons. Ce n’était pas le même air que sur la Terre. Elle l’avait oublié. Celui-ci était beaucoup plus pur et plus riche. Elle n’était plus habituée.
Elle compta encore une vingtaine d’individus dans son groupe. Elle serait la dernière à défiler sur l’estrade. La conclusion de « pièce » en représentation. Avec de la chance, la plupart des clients auraient quitté les lieux.
Elle décida de s’intéresser à l’environnement naturel.
Le ciel était d’un bleu profond sans nuage. Pourtant, quelque chose dans l’air annonçait un prochain changement de temps. Les arbres, plus hauts, mais semblables à ceux qui existaient sur la Terre cachaient l’horizon, là où il n’y avait pas de constructions. Ils étaient feuillus et bien verts. Cela indiquait que l’équivalent du printemps terrestre sur cette planète touchait à sa fin, ou bien que l’été était à peine entamé.
La chaleur était tout à fait supportable. Quelques oiseaux, de taille conséquente et très colorés, traversaient le ciel de temps à autre.
À une vingtaine de mètres de l’estrade, dans un enclos, de très gros bestiaux ressemblant vaguement à des yaks, à la différence qu’ils avaient une paire de corne sur le sommet de la tête, et deux autres de chaque côté, au niveau des oreilles et des joues. Les bêtes attendaient patiemment leurs maîtres pour rentrer chez elles, chargées de denrées et d’autres acquisitions. Certaines étaient déjà sellées, prêtes à partir.
Esmelia avait remarqué une autre espèce, plus accoutumée au bât. Les quadrupèdes n’avaient pas d’oreilles. Leur tête était petite, plate et osseuse, sans nez apparent, avec une multitude d’yeux en son centre. L’animal était caparaçonné comme un ankylosaure. Chaque représentant de l’espèce arborait une combinaison de couleurs différentes et incroyables de variétés.
Décidément, cette planète semblait exactement répondre à ce qu’elle recherchait. ‶Semblait", pour l’instant, car restait à savoir si tel était bien le cas et si elle trouverait ce qu’elle cherchait : un vaisseau, à défaut d’un sauveur.
Elle se concentra à nouveau sur la foule d’acheteurs pour essayer de déterminer celui qui serait le plus étranger à cette planète.
Elle mesura instantanément toute la difficulté que cela pouvait représenter. Déjà plus étranger qu’une Terrienne, c’était sûrement impossible. Et comment reconnaître pareil individus ?
Elle décida que ce serait son instinct qui parlerait. Elle saurait lorsqu’elle le verrait sans aucun doute.
Ici, il devait bien y avoir une quinzaine de typologies. Certains êtres sentients tenaient plus de l’animal à écailles ou à fourrure. Elle se demanda s’il en existait avec des plumes, ou une autre chose, et si elle observerait une couleur ou une texture de peau qu’elle n’avait encore jamais vue, ou des formes d’yeux, d’oreilles ou de bouches.
Elle ne se sentait pas du tout inquiète, encore moins étonnée par ces particularités.
Quelque chose en elle prenait de plus en plus de force, s’éveillait, et lui instillait l’idée qu’elle ne craignait rien, qu’elle se trouvait exactement là où elle devait être. À cet instant précis, elle en avait la certitude, autant que celle qu’il ne pouvait rien lui arriver.
Cependant, elle n’était pas chez elle, parmi les siens. Pas plus qu’elle ne l’était sur la Terre.
De curieuses pensées lui venaient.
Elle essaya de chasser…

Elle songeait rarement à son avenir et à ce qu'elle ferait si elle rencontrait quelqu'un qui vaudrait vraiment la peine qu'elle change de vie.

Elle savait que toutes les femmes de sa famille mourraient en donnant naissance à leur premier enfant. C’était une malédiction. Ou plus sûrement une maladie héréditaire qu’aucun médecin n’avait su expliquer. Même la génétique, pourtant très compétente dans ce domaine, n’avait pas toutes les réponses. Son gynécologue lui avait conseillé de ne pas enfanter de manière naturelle si elle voulait vivre. La science offrait aujourd’hui de multiples moyens comme la GCM, Gestation en Cellule Maternelle si elle ne souhaitait pas lui donner un père, ou en GMM, en Matrice Maternelle s'il y avait un géniteur reconnu, la GPA, Gestation Pour Autrui, car la PMA, Procréation Médicalement Assistée, était hors option dans son cas, et même le Port Par le Père, la fameuse TRI.P récemment autorisée.

Ils avaient dû dire la même chose à sa mère et à sa grand-mère, mais elles avaient choisi de donner la vie. Sans doute par amour, et parce que l’espoir qu’elles puissent survivre à leur accouchement restait présent. Le ferait-elle, elle aussi ?

En cet instant, elle n’avait pas d’opinion arrêtée sur la question. Elle savait seulement qu’elle ne voulait pas mourir.

Pas seulement parce qu’elle se sentait investie d’une mission, comme son père, puis Kolya, le lui avaient toujours affirmé. Elle souhaitait vivre, ressentir enfin quelque chose de très fort, avoir une vie. Une vie normale, oui, mais pas un endormissement continu. Elle voulait être libre et heureuse, soulagée de ce fardeau constant qu'il lui semblait être obligée de porter. Pourtant, elle ne pouvait abandonner cette vie qu’elle menait depuis trop longtemps. Pas tant qu’elle n’aurait pas trouvé ce qu’elle cherchait…

Une fois qu’elle aurait mené sa mission à son terme, pourrait-elle seulement avoir une vie normale ? Il y avait son pouvoir… Et cette force qui grandissait en elle.

Étaient-ils liés ?

Si cette chose la quittait ou se rendormait perdrait-elle son pouvoir ? Continuerait-elle à lire les émotions des êtres qu’elle rencontrait ? Saurait-elle vivre sans cette faculté ?

Cette aptitude lui venait de sa mère et des ancêtres de celle-ci.

Était-ce un don ? Une mutation ? Ou bien un don venu d’ailleurs ?

Peut-être un microbe extraterrestre…

Cette chose qu’elle ressentait, en elle, était-elle la manifestation de cet organisme étranger ?

Elle ne l’avait jamais ressentie avec autant de puissance sur la Terre. C’était comme si le passage dans le CET avait provoqué son réveil. À moins qu’il ne l’ait transformée, ou tout cela à la fois.

Si ce sentiment d'oppression, qui la conduisait parfois jusqu'à un état nauséeux, voire de perte de conscience, persistait, à son retour sur Terre, elle devrait se faire examiner par son médecin. Kolya lui en avait trouvé un suffisamment discret qui l'avait toujours soignée sans poser de question sur la cause de ses différentes blessures. Il savait seulement qu'elle était très sportive et pas toujours prudente dans le choix de ses destinations de voyages. Ce n’était pas lui qui lui avait fourni le membre de synthèse. Elle ne voulait pas prendre le risque qu’on remonte jusqu’à elle, et surtout que des enquêteurs d'une agence comme le CENKT découvrent qu’elle était différente. Elle se considérait pourtant comme parfaitement humaine… Morphologiquement et physiologiquement, nul ne pouvait prouver le contraire. Mais elle devinait que quelque chose était anormal chez elle.

Elle savait ce qui pouvait arriver à ceux qui se révélaient trop différents sur la Terre. Peut-être la prendrait-on pour une déviante. Au mieux pour une folle, mais au pire pour une créature venue d’un autre monde. Même elle, il lui arrivait de douter et de penser qu’elle n’était pas totalement humaine. Dans tous les cas, elle serait enfermée soit pour folie, soit pour étudier le monstre qu’elle était ou pouvait être susceptible de devenir

Une fois seulement dans sa vie, elle avait rencontré un être qui n’était pas né sur la Terre, un extraterrestre. Il avait une physionomie parfaitement humaine, des réactions… et des sentiments semblables à ceux des Terriens. Il avait appris à vivre comme les Humains, et à se fondre parmi eux mieux qu’elle ne l’aurait fait avec l'entraînement dispensé par Kolya.

Elle se souvenait qu'il avait fait d’énormes efforts pour paraître normal face à elle. Pour n'importe qui d'autre, il aurait semblé n’être rien de plus, rien de moins qu’un Être humain ordinaire. Elle n'avait cherché à détruire cette façade. Il avait des amis, une vie sociale, et un métier. Journaliste dans une petite rédaction, qui ne rivalisait en rien avec toutes celles qui pouvaient exister dans la capitale. Il cherchait à tout prix à se fondre dans la population locale, sans pour autant chercher à ne pas se faire remarquer.

Non... Ce n’était pas ses souvenirs à elle… Pourtant, ils lui semblaient aussi clairs que si elle les avait personnellement vécus. Ils devaient remonter à une cinquantaine d’années, peut-être un peu plus… À cause des costumes de la technologie qu’il lui avait semblé remarquer. Ou bien n’étaient-ils que les fruit de l’un de ces rêves récurrents qui vous paraissent si réels ?

Cet individu lui ressemblait-il plus qu'elle ne l'imaginait ? Il y avait aussi cet homme à l'AMSEVE, ce Ciaran Wayllerand. Pas un extraterrestre pour autant qu'elle ait pu en juger, mais il lui avait laissé une étrange impression, ni bonne, ni mauvaise.

Il existait d’autres formes de vie très diverses, dans d’autres mondes. L’univers était vaste. Plus que ne l’imaginait le commun des mortels. Toutes les créatures intelligentes qui peuplaient les nombreuses galaxies ne pouvaient pas avoir une apparence humaine ou posséder un mode de pensée semblable ou même proche de celui de l’Être Humain. C’était plus qu’improbable. Et ce qu'elle avait sous les yeux le confirmait.

Pourtant, il y avait des choses qui ne changeaient pas. L’Histoire des peuples, quels qu’ils soient, même sans contact les uns avec les autres suivaient des schémas assez proches. En tous les cas, ils adoptaient souvent les mêmes travers...

Quelques cris plus forts que d’autres achevèrent de la ramenèrent au présent.

Contrairement à ce qu’elle avait pensé, les enchères avaient continué à monter et avaient attiré de nouveaux acheteurs.

Soudain, au premier rang de la foule d'acheteurs et de curieux, elle remarqua un Humain, pas seulement un Humanoïde. Un véritable Humain. C’était le premier qu’elle voyait depuis sa fuite du camp.

Il devait avoir une quarantaine d’années environ. Il avait des cheveux courts, châtain foncé, un visage doux avec une barbe de plusieurs jours. Ses yeux étaient d’un bleu limpide, si lumineux qu’il aurait pu éclairer un square en pleine nuit. Ce fut surtout de la tristesse qu’elle y remarqua.

Elle ressentit chez lui de la peur. Son seuil d'anxiété était même parmi les plus hauts qu'elle ait ressentis à ce jour. Il ne cessait de regarder autour de lui comme si une menace se cachait dans chaque ombre de ce monde.

Décidément, cette planète ne semblait pas rendre les gens qui y vivaient très heureux.

Sa présence en ces lieux était totalement déplacée. Elle savait exactement pourquoi : l’homme était un Terrien. Il portait encore son uniforme de l’AMSEVE. L’idée lui vint que cet humain l’avait peut-être récupéré sur une dépouille…

Les sens en alerte, elle n’eut aucun besoin de lire son identifiant sur la poche gauche, au niveau de la poitrine. Il s’agissait de William MacAsgaill, l’homme que ses collègues, et elle, étaient venus chercher. C’était bien lui.

Elle avait encore en tête la Tri-D qu’on leur avait montrée à tous au cours de la préparation de la mission pour les aider à visualiser leur cible. Sur le haut de sa manche droite, il portait deux écussons, chacun aux couleurs d’un drapeau. Une petite particularité du scientifique dont elle se souvenait bien.

Elle devina qu’il était venu trouver refuge au cœur de l’endroit le plus fréquenté de cette ville. Au milieu de la foule, il pensait sans doute avoir moins à craindre. Et c’était elle qui l’avait trouvé. La chance continuait à la servir. Plutôt bien.

Le gaillard était écossais, par sa mère et la plupart de ses ancêtres, mais aussi féroïen. Ses grands-parents paternels étaient venus d’Écosse pour s’installer dans les îles. Son père y était né et y avait vécu une grande partie de sa jeunesse avant de s'installer en Écosse. William MacAsgaill gardait toujours des attaches familiales avec les îles… D’où le bélier sur l’un des deux écussons.

Savait-il que ses anciens collègues étaient à sa recherche ? Était-ce eux qu’il craignait ? Les avait-il vu arriver quelques jours plus tôt ?

Impossible. Cela ne pouvait pas être eux qu’il cherchait à fuir, car ils étaient rentrés à l’AMSEVE depuis au moins deux jours.

Au moins, elle, elle savait pourquoi elle était là. Sa bonne étoile l’avait conduite exactement là où elle devait être. Elle pourrait peut-être faire équipe avec lui. S’il avait survécu en toute liberté jusqu’à présent, cela signifiait qu’il avait une bonne connaissance du terrain. Cela lui serait utile.

Il avait cinq voyages interstellaires derrière lui. Cela semblait peu, mais c’était la personne la plus expérimentée qu’elle pouvait espérer trouver. De plus, il était humain et terrien. Restait à trouver le moyen de se faire remarquer par le déserteur…

Elle l’observa encore. Elle avait besoin d’en savoir plus sur lui.

Il ne portait pas d’arme visible. Comment avait-il survécu sur cette planète sans quelque chose de sérieux pour se défendre ?

En plus de cela, il n’avait ni la tête, ni l’allure du type qu’on préfère éviter si on veut conserver toutes ses dents et ses os intacts. Cachait-il quelques autres talents ? Après tout, il avait su tromper ses collègues et amis.

À l’AMSEVE, personne n’avait vu le coup venir. Lors de la préparation de la mission, un instructeur leur avait expliqué qu’il excellait au poker. Avec sa bonne tête et sa gentillesse légendaire, il avait effectivement su tromper son monde.

« Toujours se méfier de l’eau qui dort », dit le proverbe…

L’AMSEVE tenait tellement à MacAsgaill qu’une seconde mission avait été mise en place pour le récupérer. Alors pourquoi pas une troisième ?

C’était peu probable. Comme elle se l’était déjà dit, le général Doherty ne s’y risquerait sûrement pas après une nouvelle perte humaine. Mais elle ne pouvait en être certaine. Elle ne le connaissait pas suffisamment. Il n’était peut-être pas du genre à lâcher l’affaire facilement, et il était possible que MacAsgaill soit plus qu’un simple troufion aux yeux de Doherty ou pour l’AMSEVE.

L’idée lui vint que les frères Belles Gueules n’étaient peut-être pas les seuls à observer, à surveiller ce qui se passait sur la place du marché… Un pressentiment auquel elle se fiait plus que jamais.

Du regard, elle fit un nouveau tour d’horizon. Elle s’intéressa aux toits des habitations et à tous les endroits où des individus, en particulier des Humains en uniforme de l’AMSEVE, étaient susceptibles de se cacher. Elle ne vit personne. Elle remarqua cependant que les oiseaux évitaient certains bâtiments.

Qui d’autre en dehors des secours envoyés par l’AMSEVE ou des bandits qui attendaient le bon moment pour faire les poches du trio de vendeurs d’esclaves ?

Ni les uns, ni les autres n’interviendraient tant qu’il y aurait du monde sur la place. Ils étaient en terrain étranger. Ils ne prendraient pas le risque de perdre l’un des leurs.

Par contre, dès que MacAsgaill se retrouverait seul, hors de vue des autochtones, les hommes de l’AMSEVE l’enlèveraient et il disparaîtrait avec eux.

Personne dans ce monde ne remarquerait leur présence, encore moins la disparition du scientifique. Sauf elle. Elle perdrait alors toutes ses chances de s’en faire un allié… À moins de retourner sur la Terre et de le sortir du trou dans lequel il serait enterré.

Elle remarqua que l’écossais essayait de quitter le premier rang pour disparaître dans la foule.

Avait-il remarqué quelque chose d’anormal ?

Il ne devait pas être stupide au point de s’isoler volontairement.

Que comptait-il faire vraiment ? Quelle que soit la manœuvre tentée, il ne parvenait pas à s’extraire de sa position. Il était toujours renvoyé à sa place à chacune de ses tentatives.

Un individu se pencha vers MacAsgaill et lui chuchota quelque chose à l'oreille. Elle ne parvint pas à voir de quelle espèce était cet inconnu. Il pouvait aussi bien être humanoïde qu’autre chose sous sa cape gris anthracite. Un large capuche lui recouvrait entièrement la tête et cachait sa figure.

Elle sentit la peur de MacAsgaill en même temps qu’elle le vit pâlit à vue d’œil comme si La Mort en personne venait de lui parler.

Il ouvrit la bouche pour répondre, avant de la refermer sans rien dire.

Esmelia ressentit non seulement la peur glaciale, mais encore la colère vibrante de son étrange interlocuteur.

Il y avait quelque chose entre eux. Ce n’était pas l’entente cordiale de toute évidence. En quelques semaines, le scientifique déserteur avait réussi à se mettre un autochtone à dos. Un autochtone ou un propriétaire qu’il avait tenté de fuir…

Peut-être que le fuyard s’était fait capturer comme elle et qu’il avait été vendu à cet individu... Peut-être qu’il s’était échappé et que son maître venait de le retrouver… Peut-être… Peut-être… Mais elle n’en savait rien.

MacAsgaill ne cessait de jeter des coups d’œil affolés autour de lui.

Son sombre voisin posa une main qui aurait pu paraître rassurante sur son épaule, mais il n’en était rien.

Elle constata que cette main était parfaitement humaine. Mais d’Homme, il ne devait en avoir que l’enveloppe, car elle sentait qu’il n’avait rien d’autre d’humain. Son code génétique était différent.

 

 



26/10/2016
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser